Le dépôt de bilan est une procédure judiciaire à laquelle peut recourir une entreprise connaissant des difficultés financières importantes. Bien qu’il s’agisse d’un aveu de cessation des paiements, le dépôt de bilan n’est pas nécessairement synonyme de fin d’activité.

Examinons dans cet article les modalités et étapes d’un dépôt de bilan : à quel moment l’enclencher, comment réaliser cette déclaration auprès des tribunaux, quelles sont les suites possibles en termes de redressement ou liquidation judiciaire, et quels sont les risques encourus par les dirigeants. Comprendre le déroulement d’un dépôt de bilan est essentiel pour appréhender au mieux cette procédure délicate mais parfois inévitable pour une entreprise en difficulté.

Qu’est-ce que le dépôt de bilan ?

Le dépôt de bilan est une procédure judiciaire qui permet à une entreprise en cessation de paiements de bénéficier d’un traitement collectif de ses dettes. Cela suspend les poursuites individuelles des créanciers.

La cessation de paiements est caractérisée lorsque l’entreprise n’est plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Elle doit alors déclarer cet état de cessation des paiements au tribunal compétent dans les 45 jours.

Il existe deux procédures collectives principales selon la situation de l’entreprise :

  • Le redressement judiciaire : l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements irrémédiablement compromise. L’objectif est de permettre la poursuite de l’activité par un plan de redressement.
  • La liquidation judiciaire : l’entreprise est en cessation des paiements et son redressement est manifestement impossible. L’objectif est alors la cession des actifs et le paiement des créanciers.

Le dépôt de bilan est une décision lourde de conséquences pour l’entreprise et ses dirigeants. Il doit être mûrement réfléchi et préparé avec l’aide de conseils spécialisés (avocats, experts-comptables).

Quand faut-il effectuer un dépôt de bilan ?

Il est recommandé d’effectuer un dépôt de bilan lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  • L’entreprise est en état de cessation des paiements. Cela signifie qu’elle n’est plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Les dettes échues ne peuvent plus être payées.
  • La cessation des paiements n’est pas seulement passagère mais risque de durer. Il ne s’agit pas d’une difficulté temporaire de trésorerie.
  • Les perspectives de redressement sont compromises. L’entreprise n’arrive pas à rétablir un équilibre financier durable malgré les efforts entrepris (négociations avec les créanciers, recherche de financements, réductions de coûts, etc).
  • Le dépôt de bilan apparaît comme la seule solution pour éviter une situation irrémédiablement compromise, avec multiplication des actions individuelles des créanciers.
  • Les dirigeants ont conscience qu’un dépôt de bilan s’impose et qu’un retard ne ferait qu’aggraver la situation de l’entreprise.

Il est donc crucial de ne pas tarder à déposer le bilan une fois que ces conditions sont réunies, pour maximiser les chances de sauvegarde de l’entreprise ou, à défaut, organiser sa liquidation dans les meilleures conditions. Le plus tôt sera le mieux dans la plupart des cas.

Comment déposer le bilan ?

Le déroulement d’un dépôt de bilan est identique pour une société par actions simplifiée (SAS) et les autres formes d’entreprise comme la société à responsabilité limitée (SARL) ou l’entreprise individuelle. La procédure judiciaire et les étapes à suivre lors d’un dépôt de bilan sont les mêmes, sans distinction de statut juridique. Le fait que l’entreprise soit une SAS, une SARL ou en nom propre n’a pas d’incidence sur la façon dont se déroule le dépôt de bilan devant les tribunaux.

La procédure pour faire un dépot de bilan

Le dépôt de bilan suit un processus en trois étapes :

  1. Remplir le formulaire Cerfa n°10530*02 et le déposer auprès du tribunal compétent (tribunal de commerce pour les sociétés, tribunal judiciaire pour les entreprises individuelles selon l’activité).
  2. Dans les 15 jours, assister à une audience à huis clos devant le tribunal, en étant assisté si besoin d’un avocat ou d’un expert-comptable. Le tribunal examine la situation et peut poser des questions.
  3. À l’issue de l’audience, le tribunal prononce l’ouverture d’une procédure collective. Il peut s’agir d’un redressement judiciaire, soit d’une liquidation judiciaire, soit d’un rétablissement professionnel. Un mandataire judiciaire est nommé pour accompagner la procédure.

Le dépôt de bilan est gratuit mais l’ouverture d’une procédure collective engendre des frais importants. Il est donc crucial de bien anticiper et préparer en amont ce dépôt, avec l’aide de professionnels.

Les documents nécessaires

Le représentant légal de l’entreprise doit fournir plusieurs documents justificatifs lors de sa déclaration de cessation de paiements, notamment :

  • l’extrait d’immatriculation,
  • les états détaillés du passif, de l’actif, des sûretés et engagements hors bilan,
  • les derniers comptes annuels,
  • la situation de trésorerie récente,
  • les informations sur les salariés,
  • le chiffre d’affaires,
  • la pièce d’identité du dirigeant,
  • l’inventaire des biens de l’entreprise,
  • les autorisations d’exploitation d’installations classées le cas échéant, et en cas de demande de redressement judiciaire, les prévisionnels de trésorerie et d’exploitation.

L’ensemble de ces documents permettent au tribunal d’examiner en détail la situation financière et opérationnelle de l’entreprise demandeuse.

Que se passe-t-il après un dépôt de bilan ?

Lorsqu’une entreprise dépose le bilan, le tribunal de commerce ouvre une période d’observation qui peut durer de 3 à 18 mois. C’est une phase cruciale pour analyser en profondeur la situation économique et financière de l’entreprise et tenter de trouver des solutions pour assurer sa pérennité.

Plusieurs acteurs judiciaires sont nommés par le tribunal pour gérer et superviser cette période :

  • Le mandataire judiciaire : il représente les créanciers et veille à la préservation de leurs intérêts.
  • L’administrateur judiciaire : il établit un état des lieux complet de l’entreprise, analyse ses difficultés et formule des propositions de redressement. Il produit notamment un bilan économique et social.
  • Le juge-commissaire : il veille au bon déroulement de la procédure et au respect des délais. Il peut autoriser certains actes comme des licenciements économiques.

Pendant la période d’observation, l’activité de l’entreprise continue mais elle est placée sous surveillance. Certaines mesures conservatoires sont mises en place :

  • Les poursuites individuelles des créanciers sont suspendues,
  • Le cours des intérêts sur les dettes antérieures est arrêté,
  • Les dettes fiscales et sociales nées avant le jugement de dépôt de bilan sont gelées.

L’objectif est de stabiliser la situation le temps de trouver des solutions. L’administrateur judiciaire, de concert avec le dirigeant, va tenter d’élaborer un plan de redressement. Ce plan peut comporter des abandons de créances de la part de créanciers, des échelonnements des dettes, des cessions d’actifs, etc.

Si un plan de continuation de l’activité est jugé possible, il est soumis au tribunal. Dans le cas contraire, une cession partielle ou totale des actifs de l’entreprise peut être envisagée.

À l’issue de la période suspecte, le tribunal prend une décision définitive en adoptant le plan de redressement ou en prononçant la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Dans le premier cas, l’entreprise doit rembourser ses dettes antérieures de façon échelonnée sur 10 ans maximum. Dans le second cas, il y a cession des actifs, licenciement du personnel et radiation de l’entreprise du registre du commerce.